• Dimanche, ma logeuse m'a emmenée chez sa belle soeur avant de nous accompagner, avec l'autre colocataire, aux "bains maures".

    Nous traversons Casablanca en taxi blanc. Le véhicule vibre et, serrée contre la portière à l'avant, j'espère que la portière ne va pas lâcher.

    J'ai pris mon appareil photo. J'ai bien fait. Nous sommes accueillies dans un intérieur marocain typique, avec un petit salon en antichambre du grand, tous deux formés par des sedari tout autour de la pièce et garnis de coussins. Il y a là les deux femmes de l'imam, dont la belle-soeur en question, une berbère d'une soixantaine d'années. Elles nous proposent du thé. Il est accompagné de mlawi crêpes marocaines, une pâte feuilletée poëlée, qui se déguste avec du miel et de l'huile d'olive. Un régal ! J'essaie de me retenir par souci diététique... J'en suis déjà à plus que de raison, mais on m'encourage : "koul, koul !" (mange, mange!). Ma logeuse m'apprend à répondre : "mabritch" (non, je ne veux pas). Moi qui veux apprendre l'arabe, c'est un bon début.

    Ensuite, comme je veux la prendre en photo, notre hôte berbère s'en va toute excitée se changer. Elle porte une belle djellaba de satin vert émeraude et un joli hijab de soie jaune. Elle est tatouée sur le visage : un motif orne son front et un autre, depuis sa lèvre inférieure, descend jusque sur la poitrine (c'est ce qu'elle me laisse comprendre) en suivant le menton. Elle voudrait l'enlever à présent, car elle a appris, depuis sa jeunesse, que l'islam réprouve ce genre d'ornement corporel. Moi je la trouve magnifique. Son visage, malgré ou grâce aux rides, possède une expressivité incroyable. Je la mitraille, elle se prête au jeu et pose avec bonne grâce.



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  • L'idée, au départ, était simple : envoyer une pellicule à mon labo photo préféré en France.

    Essayant de trouver une enveloppe matelassée, premières difficultés. On m'explique à la poste que je dois l'envoyer par colis : une boîte dix fois grande comme la pellicule. Et qu'il faut pour cela se rendre dans le bureau de poste principal. Afin de faire examiner le film par la douane avant l'envoi.

    Examiner le film ??!

    J'aimerais d'abord le faire développer, je leur explique. On me répond que bien sûr, mais que c'est comme ça, c'est la loi.

    "Bienvenue au Maroc !" me dit, hilare, le collègue qui m'accompagne.



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  • Aujourd'hui le ciel s'est partiellement dégagé et la température atteint 15°C. Malheureusement, aucun souffle d'air ne vient dissiper la pollution ambiante.

    Dans une heure, j'aurai théoriquement fini ma semaine de travail (en fait, je dois revenir à 17h pour assister à un discours suivi sans doute d'un café "d'affaires"). Eh oui, je travaille aussi le samedi ! Il faut bien compenser la traditionnelle nonchalance des marocains...

    Cette "nonchalance" peut surprendre bien des occidentaux, voire les agacer. Même moi, je dois m'armer de patience car, ici, tout rendez-vous commence avec un retard de plusieurs dizaines de minutes et toute parole donnée est remise "à la grâce de Dieu". De la même façon, les piétons n'hésitent pas à traverser n'importe où dans la rue (y compris sur l'autoroute !), sans se presser, se débarassant de toute responsabilité au cas où un accident se produirait. Ce qui, paraît-il, arrive assez souvent. Je loge pour l'instant chez une dame adorable mais dont le mode de vie reste cependant assez traditionnel. Elle m'a loué sa propre chambre et dort au salon, ce qui me gêne horriblement. Son lit est immense mais le matelas de laine est trop ferme pour être confortable. Il m'arrive de me réveiller en pleine nuit à cause d'un bras ankylosé ou du chant du muezzin que le vent porte de la mosquée Hassan II jusqu'au centre-ville.

    A part lire, dormir et regarder la télévision quand le satellite fonctionne, je tourne un peu en rond là-bas. De temps en temps, nous discutons, de son fils, un peu plus jeune que moi et qui vit en France, de sa fille de 20 ans qui travaille et étudie aux Etats-Unis, de son mari qui travaille là-bas aussi, de religion, parfois. Pour les musulmans, la conversion religieuse doit être spontanée et volontaire. Cela paraît relativement tolérant à l'égard des autres religions ou des athées mais en fait, il y a dans leur façon de parler de Dieu un prosélytisme assez redoutable. Les gens à qui je parle respectent ma conviction, mais je sens bien qu'ils sont persuadés que je finirai bien par croire. Un jour ou l'autre. 

    J'ai moins froid que les premiers jours, je commence à m'habituer au climat. Physiquement, je reprends mes marques. Mais j'ai encore l'étrange impression d'être gonflée et confite, comme empêtrée dans un corps qui est bien le mien mais que je n'arrive pas à sentir et reconnaître complètement. Pour Rhabha, ma logeuse, c'est une histoire de ventre. Pourquoi pas. Je vais manger plus de fruits et de pain complet... 

    Il y a des femmes magnifiques à photographier : ridées, voilées, tannées par le soleil, leur visage est très expressif. J'ai pris hier soir l'employée de maison, Tammou ainsi que Hanae, une jeune étudiante qui loge avec nous et qui voulait absoluement mettre le voile pour la photo (elle a commencé à le porter il y a quelques mois seulement). J'espère que les clichés seront réussis. Il faudra que je trouve un bon labo photo, qui a l'habitude du travail professionnel. Mais ça risque d'être cher. La qualité des pellicules et des travaux de développement/tirage est assez déplorable au Maroc. Dans ce domaine aussi, il y a beaucoup de retard. 



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  • Cet après-midi est nuageux et moins venteux que les jours précédents. Hélas, s'il fait moins froid -en dessous de 22 degrés, comme rien n'est chauffé ici, on travaille avec le manteau sur le dos,- le taux de pollution atteint des sommets. Cela rend le quartier particulièrement épouvantable à vivre.

    Il faut dire que le parc automobile est à peu près aussi moderne et écologique que celui de l'Allemagne lors de la réunification et que depuis trois mois, les éboueurs ne passent que deux fois par semaine en raison de l'engorgement des décharges avoisinnantes. Ca ne vaut certainement pas Calcutta, mais se promener en talons hauts sur les trottoirs défoncés puant la pisse et envahis de mendiants, de vendeurs de pois chiche ou de tapis, dans un vacarme de cris et de klaxons a un côté terriblement décalé et assez éprouvant.

    Pourtant, je commence à apprécier les façades décrépies, la nonchalance des piétons au milieu des rues, les odeurs de friture et d'encens omniprésentes, les immeubles ou les maisons coloniales désaffectées, les magasins aux vitres cassées. J'ai commencé à prendre des photos en n&b de ma cour intérieure et je compte poursuivre l'examen de la ville à la recherche de tout ce qu'elle compte d'insalubre. Histoire d'exorciser sans doute ce sentiment de culpabilité que j'ai ressenti en arrivant, de le muer totalement en humilité.

    Mes interlocuteurs prétendent que la corruption et le pillage organisé des richesses locales par des fonctionnaires véreux est responsable de la dégradation choquante de la plupart des quartiers de la ville. A mon arrivée, j'ai malheureusement eu droit à la façade la moins reluisante de la ville. Tous mes préjugés intériorisés ont trouvé un écho dans le spectacle qui m'était offert, d'autant plus fort que j'étais physiquement et psychologiquement déprimée. Mais avec les premiers coups de fil reçus et donnés, avec les premiers mails, les premiers cafés et repas partagés avec des autochtones cultivés -donc parlant bien français, c'est important pour moi qui ne parle pas l'arabe de pouvoir communiquer juste-, l'hospitalité légendaire mais bien réelle des marocains, tout m'a semblé plus lumineux ici. Rapidement, j'ai pu voir d'autres quartiers de Casa, des bars modernes fréquentés par des jeunes ou moins jeunes des deux sexes, des magasins presque trop occidentaux, des bâtiments neufs ou rénovés et donc, imaginer ma place ici, à Casa.

    Tiens, par exemple sais-tu qu'il est interdit de couper un palmier au Maroc ? Qui souhaite construire une route ou une maison doit composer avec cette contrainte. Il y a une avenue transpercée d'arbres où rouler est un exercice périlleux de slalom.Un facteur de stress important c'est la perte des repères alimentaires ; mais là aussi, je sens que je ne tarderai pas trop à trouver mes marques et a priori sans que ma silhouette en pâtisse trop. En face du bureau, de l'autre côté du boulevard -pollué- Mohammed V, il y a en fait le marché central, enceint par des immeubles. Je suis tombée dessus presque par hasard et y ai acheté quelques clémentines, des kiwis. Si je n'avais pas eu à retourner travailler, j'aurais pris des radis, des salades, des aubergines, des figues séchées, de grosses dattes, des variantes et j'aurais acheté un beau bouquet de fleurs ainsi que quelques plats en grès. Puis j'ai dégusté pour me réchauffer une galette de semoule, nature, légèrement poëlée. Un délice !


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